lundi 11 novembre 2024

Sur la seconde floraison des roses.

Il y a eu d’abord la rosière buissonnière, dont les hampes courtes, excessivement piquantes, se ramifient subrepticement dans les touffes d’herbe avoisinantes. Trois ou quatre boutons ont dressé la tête pour éclore les uns après les autres d’un chiffon de pétale blancs dont il faut jouir bien vite, car ces roses-là durent à peine plus qu’un jour – quand ce n’est pas la chatte qui, intriguée par ma longue station devant ces petites merveilles, arrive à fond de train pour leur donner un petit coup de patte ajusté qui fait tomber d’un coup tous leurs pétales - ravie de me faire ainsi la démonstration de ce nouveau tour de malice. Mais voilà qu’il en vient de nouvelles, cette fois issues du vieux rosier à l’angle de la maison : à peine des roses, des presque églantines oranges et roses. D’ordinaire ce sont les premières à survenir dans la saison, bien en amont du printemps – quelquefois même lorsqu’il y a encore un peu de neige à leurs pieds. Elles reviennent ces jours-ci faire une apparition sur terre, enveloppées des grands brouillards de l’automne. Ce sont de si petites poignées de beauté, à peine perceptibles dans la somptuosité mordorée du jardin qui bascule vers l’hiver, mais qui savent signaler leur présence par la flagrance subtile des anciennes espèces - un parfum si fort qu’il fait quelquefois tourner la tête de surprise à ceux de mes visiteurs qui ont la plus grande sensibilité olfactive. Oui, comme elles sont touchantes, ces petites épiphanies décoiffées, revenantes d’un lointain été... Des fleurs non pas intempestives, ni même anachroniques, mais gracieuses. Car ces roses tardives s’offrent à l’œil, écloses hors de saison pour la seule beauté du geste, sans espoir d’être fertilisées. Les insectes butineurs de la saison ne sont plus que poussière glissée dans une enveloppe qui fera le tour de la terre avant de nous revenir à la saison prochaine... Lorsqu’elles s’offrent à nous, ces roses ravisées, elles nous plante droit dans le cœur l’épine d’un instant présent d’autant plus somptueux qu’il est fugace et que, tout autour d’elles - tout autour de nous - le monde se délite terriblement.

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