Alerte au vivant !
Les temps à venir ne sont pas propices
Une aube létale pointe à l’horizon de notre monde
L’abondance du vivant ne se renouvelle plus comme avant
Les cycles de vie sont perturbés, la grande matrice
Engendrant recyclant restaurant inlassablement
Les puissants équilibres qui nous régissent
Se détraque sous les coups de butoir d’une humanité déchainée
Les courants marins ne tempèrent plus l’alternance des saisons
Le magnétisme des pôles s’inverse les flux migratoires s’affolent
Des hécatombes animales s’échouent en marées rémanentes
Les bébés mammifères naissent avec dans leurs corps
du plastique transmis par le placenta de leurs mères
Les amphibiens subissent des bouleversements hormonaux
Les éléments dégorgent leurs trop plein de pollution dans les entrailles de la terre
Le monde devient silencieux le sauvage disparait les espèces meurent
Les grandes forêts régulatrices du climat se réduisent à vue d’œil
La planète se réchauffe les pôles fondent les mers montent
Bientôt les humains ne pourront même plus s’entretuer tranquillement !
Le monde tel que nous le connaissons doit trouver le moyen de se réformer
Radicalement – dans les plus brefs délais – s’il veut survivre
Alerte ! Alerte ! Alerte !
Bien sûr, je connais déjà ce que tu vas répondre
- Toi la Terre-Mère, toi l’organisme-monde
Toi que certains ont choisi d’appeler Gaïa -
Toi qui te débats comme tu peux contre cette lèpre
qui s’infiltre en toi pour spolier tes moindres ressources
Dans une effrayante course entre le profit et la mort -
Cohérente avec les lois d’airain que tu instaures
et qui te régissent – pour toi, l’ éternellement régénérée,
Il n’existe qu’une seule solution :
Réduire drastiquement la menace humaine, par tous les moyens
- bactériologique, génétique, météorologique – faire
Revenir à toute force cette espèce invasive à la portion congrue
Qui lui est due – nécessairement régulée par toutes les autres
Selon la loi irrévocable régissant la grande tapisserie vivante…
Mais moi qui – à mon corps défendant – fait partie de l’espèce invasive
Et contribue – que je le veuille ou non – à son action mortifère
Comment puis-je accepter d’avoir à disparaître
Pour payer la folie inconséquente des membres de mon espèce ?
C’est des miens dont il s’agit – c’est de moi et des autres
C’est de notre monde à nous - Comment trouver une relation
Harmonieuse avec soi-même et l’univers
Lorsque l’équilibre des contraires est bouleversé à ce point ?
Pourtant, je ne te suis pas extérieur – je ne suis pas un allien
Fraîchement débarqué d’une lointaine planète conquérante
Je fais partie de toi – je suis moi aussi une parcelle du vivant
Mon existence infime contribue comme les autres aux grands flux
Qui nous portent, nous nourrissent et nous régénèrent
Mon existence infime participe au maintien du vivant
Au même titre que celle d’une molécule d’eau, d’une graminée
D’un coléoptère d’une motte de terre ou d’un courant marin
- alors, puisqu’il n’y a pas « eux » et « nous » - puisqu’il n’y a pas
« Je-seul » et « ça-le-reste » - puisque nous sommes tous en commun
N’y aurait-il pas quelque once de sagesse
Scellée au plus profond de notre mémoire ancestrale – à nous
Autres, les animaux humains – qui puisse enfin nous inciter
A un comportement plus raisonnable – plus sage –
Plus « humain » ?
– Hum… La Sagesse – la Raison –
L’Humanité ? Ce sont des notions que tu ne connais guère
Toi la Grande Gésine accouchant sans fin d’une nouvelle
Génération de toi-même, toi l’éternelle, toi la force
Biologiquement lovée au cœur de la faiblesse
Emondant sans cesse le vivant pour que le vivant perdure
- La sagesse ? Les humains en parlent beaucoup, en effet
Depuis ce qu’ils considèrent comme la nuit des temps
Et qui n’est au fond que l’éclat de leur soudaine irruption
Hors de la gangue du monde dont ils se sont extraits – tout récemment
Lorsqu’ils ont voulu se croire différents – supérieurs – sages ?
La Sagesse ? Le bouddha leur a montré la voie
Il y a bientôt 2 600 ans – mais qu’en est-il advenu depuis ?
Jésus aussi à sa manière, sans doute moins radicale
Puis tant d’autres prophètes et prophétesses déferlant
Sur les nuques serviles de millions de fidèles
- mais à quoi cela a-t-il abouti ? A quoi ont servies
Toutes les divinités de tous les panthéons humains
En matière de sagesse ? A rien – ou presque…
Alors, espérer que les humains se montrent enfin sages
Là où les siècles passés n’y ont pas suffi ?
Qui peut encore raisonnablement y croire ?
Je ne vois pas d’autre solution à ce dilemme
Que de fermer les yeux en se laissant flotter
A la surface de la grande étendue d’eau qui nous porte
D’affûter tous nos sens à l’écoute de la grande matrice
D’essayer de la seconder dans ses efforts pour combattre
Le mal que nous représentons pour elle
De résister à la tentation de rupture en nous mettant à l’unisson
Des forces de vie qui nous brassent nous inondent et nous dispersent
D’être encore plus à l’écoute de la vie qui transite
A travers nous – de ne faire plus qu’un avec elle
D’inciter notre cœur à se relier aux moindres êtres vivants
Frayant dans nos parages – d’ouvrir les portes de notre esprit
Toutes grandes aux bouleversements des météores…
De mêler nos doigts tâtonnants aux racines et aux larves
De germer conjointement avec elles, de nous hybrider à tout va
De propager aux plus prêts de soi, dans l’orée minuscule
Qui nous caractérise en tant qu’individu - de pousser
A ses plus infimes extrémités le mélange du vivant.
(ce texte-poème a été écrit pour être lu à haute voix. Essayez !)