Sur une matinée en ville
Je me prosterne devant l'épaisse couche de neige qui recouvre ma voiture ce matin, je me prosterne devant le jean crasseux d'un ado qui attend sur le trottoir, je me prosterne devant l'incertitude d'un moment présent comme étourdi par sa propre indétermination, je me prosterne devant une lueur obstinée dans le ciel que je ne m'explique pas, je me prosterne devant le gouffre de douceur qu'ouvre en moi le douzième concerto de Mozart diffusé à la radio de la voiture, je me prosterne devant la flaque de boisson laiteuse que les roues des véhicules ont étoilée sur le macadam de la station essence du supermarché, je me prosterne devant les kilomètres de câbles sous tension qui s'étendent à l'infini, transmettant simultanément chaleur, lumière ou mort, je me prosterne devant un châle en laine rose jeté sur la plage arrière d'une kangoo, je me prosterne devant l'enthousiasme gouailleur d'un petit garçon au bonnet de travers qui tire tant qu'il peut sur la main de sa mère pour aller à la rencontre de l'univers, je me prosterne devant le scintillement des cheveux d'une femme qui rit au soleil, je me prosterne devant le monde comme une plante projette en poussant son ombre sur le sol, je me prosterne à ras de terre, dans la texture granuleuse des choses, je me prosterne d'autant plus bas qu'une forme vide de moi s'étoile haut dans le ciel.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire