Sur les vœux de bonne année.
Ces derniers jours, j’ai entendu plusieurs personnes exprimer leur manque d’enthousiasme à l'idée de formuler des vœux de bonne année, comme si le lot de malheurs qui ne manquera pas de nous tomber sur la tête durant ces prochains 365 jours rendait d’avance caduque la moindre probabilité que cette nouvelle année soit réellement bonne pour quiconque. Certaines personnes semblent préférer se rabattre sur la formule passe-partout des « mes meilleurs vœux » (en prenant bien garde de préciser lesquels!), alors que d’autres refusent tout net de se prêter à l’exercice - tel cet homme tout à l’heure à l’épicerie, qui trouvait absurde de « faire semblant » de croire qu’il pourrait y avoir quelque chose de positif dans l’avenir qui nous attend, « alors que tout fout le camp autour de nous »….
Bien sûr, partout la guerre fait des ravages, tuant des millions d’êtres vivants et détruisant la beauté du monde. Bien sûr, partout triomphent ceux qui prônent la haine de l’autre, la violence et l’exclusion. Bien sûr, chaque jour une partie du monde est irrémédiablement polluée, dégradée ou détruite par l’avidité humaine. Comment le nier ? Faire semblant de croire que le monde puisse aller mieux en 2025, comme par un coup de baguette magique, alors qu’il s’enfonce de plus en plus dans un processus d’auto-destruction que d’aucun juge irrémédiable, peut à bon droit paraître absurde, ou même – pour celles et ceux que cette situation affecte plus spécifiquement, parce qu’ils y sont exposés de plein fouet – particulièrement cruel.
Pourtant, pour que se déchaîne cette frénésie de destruction inédite dans l’histoire de notre planète, il faut au préalable qu’il y ait quelque chose à détruire. Il faut qu’« il y ait quelque chose plutôt que rien », pour reprendre le célèbre questionnement du philosophe Leibnitz, qui y voyait un principe de raison suffisante. Nous ne saurons sans doute jamais quelle est la raison d’être du monde, mais nous ne pouvons nier que, quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, il y a « monde ». Non seulement le monde est, mais il se régénère sans cesse, faisant en sorte que les conditions qui permettent la vie soient maintenues coûte que coûte. Le vivant, l’organique et l’inorganique ne cessent d’interagir pour se régénérer. Alors que les humains exercent sur le monde une action mortifère, ils contribuent également à le réparer. Selon leurs capacités, des milliards de personnes pansent leurs plaies et celles des autres, soignent, nourrissent, éduquent, créent, transmettent, résistent et protègent les plus fragiles.
Dans une goutte d’eau, il y a tout l’océan. Dans le chant d’un oiseau, il y a toute la musique. Dans un regard, il y a tout entier l’insondable mystère de l’être. Il y a une force de vie incroyable dans notre monde, qui nous permets tout simplement, lorsque nous nous levons le matin, d’avoir de l’air à respirer, des êtres et des choses à aimer. On peut trouver absurde de rêver à un avenir radieux, mais ne tombons pas du désespoir à la désespérance. N’oublions pas ce qui, tout les jours, maintient vaille que vaille la balance en équilibre. Prenons-en soin, ne serait-ce qu’en lui disant tout simplement : merci !
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